Mémoires et histoire

Des différentes formes de la mémoire du passé à la reconstruction mémorielle

Compte-rendu de la conférence donnée par le Recteur Jean-Pierre Poussou établi d’après les notes prises par Catherine Bouscharain et Christine Gillin

La mémoire du passé est une faculté innée et indispensable tant aux personnes qu’aux sociétés, la perte de la mémoire entraînant une forte déstructuration. La mémoire existe chez les peuples les plus anciens mais il s’agit d’une mémoire orale, comme en témoignent les aèdes grecs ou les bardes irlandais.

Avec l’apparition de l’écriture, la mémoire devient histoire, mais les premiers historiens, tels Hérodote ou Thucydide, n’ont pas encore de méthode scientifique. Au Moyen âge, l’histoire s’est développée grâce aux professions juridiques qui faisaient appel à toutes sortes de documents écrits. Mais ces documents ont souvent été utilisés à des fins non scientifiques, telle la loi salique utilisée par Philippe V pour évincer sa nièce de la succession au trône de France.

C’est au XVIIème siècle que les sciences historiques se développent vraiment. Les mauristes (bénédictins de Saint Maur) cultivent l’érudition et inventent des méthodes d’investigation. Au XVIIIème siècle, les universités allemandes recherchent des méthodes historiques et travaillent à partir de mémoires très différentes, tel le témoignage des contemporains ou les documents permettant de connaître le passé : registres de baptême, de mariage, de décès, actes notariés, etc.

Actuellement, l’histoire s’enrichit de nombreuses spécialités comme l’archéologie, l’histoire économique, l’histoire démographique notamment, et les méthodes s’affinent de plus en plus.

Mais on ne peut confondre mémoires et histoire. L’histoire est une construction mémorielle et si, grâce à de multiples méthodes, nous parvenons à construire une histoire, le problème de l’interprétation reste entier. La construction de l’historien peut être sujette à caution-ainsi la « prise de la Bastille » laquelle n’a jamais été prise, son gouverneur s’étant rendu- et il peut y avoir utilisation voire détournement des témoignages. Ainsi on a sans doute exagéré la traite atlantique alors que la traite est un phénomène qui existe depuis toujours et partout. L’histoire a souvent été utilisée à des fins civiques ou politiques et cela a conduit certains historiens à écrire une histoire non nationale ce qui reste très problématique.

L’historien doit avoir la volonté d’être le plus près possible de la vérité historique, mais celle-ci a pris une telle importance que, comme le dit Raymond Aron, l’homme va désormais vivre dans l’histoire, comme il vivait auparavant dans la religion.

Qui est Jean-Pierre Poussou

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