Enjeu mondial du 21e siècle, l’eau constituera le thème de cette nouvelle saison. Lieu de bien-être, source de fascination et d’inspiration, symbole de pureté et de vie, l’élément liquide peut aussi susciter l’angoisse et la peur lorsqu’il se fait menaçant, rare, pollué ou trop abondant.
Des récits antiques de déluge au discours sur l’élévation du niveau des mers, du Miroir d’eau aux fontaines de jouvence, le cycle explorera de nombreux aspects de l’esprit humain en relation avec l’eau.
Un programme qui coule de source ?
Après la conférence du 18 octobre 2012 – Avec Laurent Bibard, Professeur de philosophie à l’ESSEC
Compte tenu de son importance pour la vie en règle générale (vie biologique, vie économique et sociale, vie spirituelle), l’eau a toujours fait l’objet de réflexions fondamentales, que ce soit sur le plan de la philosophie, des mythologies, des religions, des sciences.
Notre « modernité » entretient cependant un rapport aux ressources naturelles (minières, énergétiques, etc) systématiquement utilisateur. Un tel rapport « utilisateur » aux ressources ou « éléments » naturels en interdit progressivement l’accès, voire en provoque progressivement une dangereuse raréfaction pour la vie – des hommes comme pour la vie en général.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, du fait même de la mondialisation qui favorise des rencontres culturelles inédites, il est peut-être encore possible de réapprendre à entretenir un rapport respectueux aux éléments, qui permette de les préserver – et de les rendre en abondance au monde et aux hommes. Il en est éminemment ainsi pour l’Eau.
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Après la conférence du 15 novembre 2012 – Avec Pierre-Frédéric TENIERE-BUCHOT, Académie de l’eau, Conseil mondial de l’eau
Synopsis
Quelques mots sur un parcours professionnel inattendu. La découverte de la politique de l’eau et l’importance du facteur politique pour l’eau :
De l’aérospatial avec l’analyse de systèmes à l’agence financière de bassin, au programme des Nations unies pour l’environnement et au Conseil mondial de l’eau.
Finalement, qu’est-ce que la politique ?
- Un rapport de forces et la recherche d’un compromis entre volontés antagonistes
- Une dynamique entre une autorité fondée sur une histoire passée, un présent conflictuel et des espoirs pour l’avenir. Chaque instant est ponctué d’un discours qui représente cet ensemble mouvant
- Des hommes et des territoires à connaître et écouter.
La politique de l’eau en France depuis qu’elle existe, une brève description :
- avant 1964
- de 1964 à 2006
- aujourd’hui
Conclusion en vue d’un débat : l’eau c’est la vie mais la vie ce sont les hommes. Une politique de l’eau pour les hommes.
Compte-rendu de la conférence par Sylvie Lacoste
Dans le cadre du cycle 2012 / 2013 sur l’Eau, au Hâ 32, Pierre-Frédéric Ténière-Buchot, nous a proposé une approche politique de l’Eau. Si l’exposé a été une fois de plus remarquable, la politique de l’eau est loin d’être claire comme de l’eau de roche !
Avoir une approche politique de l’eau, c’est essayer de comprendre comment s’organise et se conduit la gestion de cette ressource naturelle, à la fois sur son grand cycle et sur son petit cycle.
Pierre-Frédéric Ténière-Buchot, aujourd’hui, Vice-président du Programme Solidarité Eau (initié par Stéphane Essel) et membre de l’Académie de l’Eau, est tombé dans l’eau un peu par hasard et disons que le hasard fait parfois bien les choses.
Ingénieur dans l’Aérospatiale et gageant sur l’échec commercial du Concorde, sa mise à l’écart le conduit à la fin des années 60, à découvrir le monde de l’eau à une période de croissance (Trente Glorieuses). A cette époque, c’est la naissance des Agences financières de bassins, au nombre de 6 (aujourd’hui Agences de l’Eau). C’est une révolution dans la gouvernance de cette ressource naturelle, l’idée étant de porter sur la place publique les problématiques liées à la politique de l’eau (« Livre Blanc » de la DATAR, 1970).
Mais il s’agit bien là d’une véritable gageure au regard de l’opacité de la politique de l’eau, en 2012. Si tant est qu’elle fût, un jour, transparente !
D’ailleurs, il semblerait qu’il y ait, non pas une, mais plusieurs politiques de l’eau ou plutôt différents aspects : – l’aspect financier, important et ambigu qui mêle fonds privés / fonds publics, – le nexus ou nœud gordien, un enchaînement complexe entre énergie-eau-alimentation qui veut que pas d’eau-pas d’énergie etc…L’aspect « réseaux » ou relationnel pour l’obtention des marchés et enfin, l’aspect médiatique « pour plaire ».
Plusieurs constats s’imposent à nous et malgré nous et bien souvent, ils sont navrants.
La question de l’eau (et plus largement, celle de l’environnement) est une préoccupation des gens riches !
La politique de l’eau du grand cycle n’intéresse que très peu et de fait, les investissements de quelque nature qu’ils soient, sont bien faibles.
Le petit cycle de l’eau ou « des tuyaux » occupe bien plus ! Et pour cause…Il est bien plus rentable ! Un exemple, celui du marché des eaux minérales en bouteilles qui ne sont rien d’autre que des tuyaux (dixit notre conférencier !). Car la ou les politiques de l’eau sont une affaire comptable dont les principes de base sont les négociations et les compromis entre l’Etat (en France, il est représenté à hauteur de 20% dans les Agences de l’Eau à travers les différents ministères concernés), les collectivités locales, les Veolia, Suez (Lyonnaise des Eaux) et Saur, et les associations. Par conséquent, l’Etat n’est pas représentatif du domaine public. De fait, le marché de l’Eau en France (si, si c’est un véritable marché !) manque de transparence. C’est vrai aussi ailleurs, où la gestion rencontre les mêmes difficultés avec la corruption en plus ! La politique de l’eau est une politique pour se faire élire ! C’est le constat, fondé sur sa riche expérience, que fait Pierre-Frédéric Ténière-Buchot. Avant une élection, les promesses nombreuses ne sont jamais tenues après. Pour cette raison, les associations qui généralement connaissent peu ou mal les problèmes liés au traitement de l’eau, posent les questions qui dérangent et de fait, sont indispensables si nous voulons un peu plus de clarté et d’influence sur cette gestion, dominée par les trois mastodontes cités plus haut.
Mais que fait la loi ? Au niveau national, c’est le Parlement qui légifère (lois 1964, 1992, 2006). Seulement pour que la loi soit appliquée, il faut que les décrets d’application soient pris, ce qui en la matière est rarement le cas. In fine, ce sont les corps intermédiaires (cf plus haut) qui font la politique. Tout repose donc sur le compromis car les pratiques priment sur les lois.
Au niveau international, c’est la Banque Mondiale qui est depuis de nombreuses années déjà, plus mondiale que banque (dixit notre conférencier). Elle est surtout un gros bureau d’études et a de moins en moins d’argent pour les pays pauvres. En réalité, il n’existe pas de législation internationale : chacun croit que l’eau lui appartient et aucune déclaration onusienne n’a encore atteint le nombre de voix nécessaires pour être appliquées. Et là aussi, les fonds privés sont puissants et de toute évidence une grande opacité domine.
Pierre-Frédéric Ténière-Buchot ne remet pas en cause ces systèmes. Il insiste sur l’importance des associations, au moins au plan national, qui par leur participation, peuvent discuter, négocier, influencer des décisions ; certes elles court-circuitent les canaux officiels mais sans jamais être hors la loi, elles peuvent et doivent prendre part activement aux compromis.
La route vers une politique de l’eau limpide et transparente semble être longue. Derrière, il y a des hommes ici et ailleurs. Il s’agit de les écouter, de voir comment les écouter, comment mettre tout le monde d’accord. Il s’agit de trouver un équilibre et en cela le compromis semble être un outil incontournable, essentiel.
Après la conférence du 20 décembre 2012 – Avec Stéphanie Anthonioz, Docteur en théologie et Enseignante à l’Université Catholique de Lille, UMR 7192
Le déluge : colère des dieux ?
Le déluge apparaît dans les sources mésopotamiennes les plus anciennes comme la métaphore la plus puissante des destructions des dieux et les guerres comme les calamités naturelles sont souvent qualifiées de « déluge » :
ne sont-elles pas en dernier ressort l’expression de leur volonté et surtout de leur colère quand ils sont offensés ?
Nous revisiterons ainsi d’abord le récit de l’Atrahasîs, récit mésopotamien par excellence du déluge (emprunté par l’épopée de Gilgamesh), et le fonctionnement de la colère divine dans cette narration : comment s’est-elle déclarée et les dieux se repentent-ils après avoir réalisé la destruction de l’humanité créée pour leur propre service ?
Puis nous aborderons le récit biblique, ses différentes sources et trames narratives, ses répétitions et ses incohérences et nous analyserons les ressorts de la colère divine afin de mettre en valeur le renouvellement théologique à l’œuvre.
Après la conférence du 24 janvier 2013 – Avec Anne-Marie Cocula, Historienne, professeur émérite à l’Université de Bordeaux III
Réfléchir sur les liens anciens qui ont durant des millénaires uni les villes et les rivières. Puis prenant l’exemple de Bordeaux il s’agira de montrer comment la Garonne a déterminé un urbanisme défensif et pourquoi les Bordelais ont défendu avec ténacité les privilèges de leur cité en dépit des ordres de la monarchie. Soit la constitution d’ un patriciat urbain qui a traverse les siècles contre vents et marées en forgeant un esprit ” girondin “…qui perdure de nos jours.
Après la conférence du 15 février 2013 – Avec Georges Vigarello, directeur d’études à l’EHESS
L’eau, l’hygiène et ses imaginaires
L’hygiène semble ne pouvoir être pensée aujourd’hui qu’en relation avec un recours étroit et constant à l’eau. Il n’en a pas été toujours ainsi dans notre histoire.
C’est l’existence d’une hygiène ignorant l’eau, par exemple, qui sera d’abord évoquée. Mais l’eau elle même n’a pas toujours été l’objet de représentations identiques durant le temps.
C’est alors d’images différentes, quant à la relation à la santé, au plaisir, au chaud au froid, qui seront aussi évoquées. L’eau focalise l’imaginaire. Cette focalisation change avec le temps. Elle est au cœur d’une histoire. Cette histoire sera le fil conducteur de l’exposé.
Après la conférence du 21 mars 2013 – Avec Paolo Antonio Pirazzoli, Directeur de recherche émérite au CNRS, Laboratoire de Géographie Physique, Meudon
Divers rapports du GIEC (2001, 2007) et le rapport de Copenhague (2009) ont documenté l’augmentation récente des concentrations atmosphériques des divers gaz a effet de serre et la corrélation qui existe entre cette augmentation et les variations de la température globale. Cette augmentation de température fait fondre les glaces continentales et dilate les eaux des océans, avec pour conséquence une élévation du niveau des mers. Les prévisions d’élévation pour l’année 2100 vont de 50 à 140 cm, avec une poursuite probable également au cours des siècles suivants.
Ces prévisions sont particulièrement préoccupantes pour la ville de Venise, construite dans l’eau au milieu d’une lagune, qui déjà dans le passé avait dû lutter contre le phénomène de la subsidence et dévier des fleuves hors de la lagune pour éviter que la lagune soit comblée par leurs sédiments. Depuis la fin de la Sérénissime (1797) diverses actions anthropiques ont contribué à une modification des équilibres hydrologiques et, depuis au moins un siècle, à une augmentation de la fréquence des inondations par la mer (phénomène appelé « acqua alta »).
Après la grande inondation de 1966, une loi spéciale italienne avait prévu en 1984 la possibilité de construire aux passes lagunaires des passages réglables, dont l’étude a été confiée, en situation de monopole, à un groupement d’entreprises privées (Consorzio Venezia Nuova).
Fondés sur des hypothèses qui sous-estimaient la montée prévisible du niveau marin, les travaux pour ce projet, dont la première pierre a été posée par le premier ministre Berlusconi en 2003, ont été depuis poursuivis, malgré une contestation dont le Gouvernement Italien a préféré ignorer les raisons ainsi que toutes propositions de projets alternatifs.
Actuellement toujours en construction, ce projet devrait être achevé au mieux en 2016. Le projet présente de nombreux défauts (comme l’absence d’étanchéité), qui montrent qu’il ne sera pas en mesure de sauvegarder très longtemps la ville contre l’élévation prévisible du niveau de la mer. Il sera vraisemblablement nécessaire de le démolir peu après sa construction, pour le remplacer par un ouvrage étanche de séparation entre la lagune et la mer, dont l’étude n’a cependant pas encore commencé.
Après la conférence du 18 avril 2013 – Avec Michel Rodes, vice-président de la SEPANSO-Aquitaine, membre du Conseil national de l’eau
L’eau, quel enjeu écologique ?
La ressource en eau est un enjeu au niveau de la planète. En France, avec chaque compteur, les usagers paient une redevance pour financer de multiples mesures pour assurer la qualité de l’eau. Il s’agit d’abord des ressources naturelles si souvent menacées. Il s’agit aussi de produire l’eau potable et de traiter les eaux usées. Le ministère de l’Ecologie et ses agences de l’eau sont là pour encadrer et coordonner toute une politique de l’eau.
Si des progrès notables ont été enregistrés dans l’industrie ou l’épuration urbaine, des zones d’ombres s’aggravent : pollutions agricoles diffuses, algues vertes, pollutions médicamenteuses, nanoparticules. Des exemples significatifs en Aquitaine peuvent être fournis : restriction de la consommation de poissons à cause des métaux lourds : crevettes au cadmium en Gironde, anguilles au polychlorobiphényl sur l’Adour, brochets au mercure sur le Gave de Pau. De fait, de nombreuses espèces sont en régression et pas seulement à cause de la surpêche.
Les mesures prises par le ministère de l’Ecologie ne font-elles pas la part trop belle au ministère de l’agriculture ? La complexité des critères d’analyse a du mal à cacher la soumission aux lobbies : pas de taxes sur les nitrates, pas de contrainte sur le glyphosate (Round Up). L’éco-conditionnalité des aides à l’agricultures est dérisoire. Des alternatives existent pourtant.
La politique de l’eau est un bel exemple des contradictions internes de la société technicienne. C’est en termes très elluliens que l’on peut au final mesurer les blocages internes de notre société. Il ne faut pas se cacher les impacts souvent irréversibles sur les modes de vie (pêches professionnelle et d’agrément), sur la nature .
Après la conférence du 23 mai 2013 – Avec Emmanuel Valency, Rabbin de Bordeaux, et Fouad Saanadi, Recteur de la mosquée de Cenon et Nicolas Cochand Pasteur animateur du centre Hâ 32
Indispensable à la vie, l’eau est au coeur de l’expérience quotidienne et des besoins de bien-être, d’hygiène et de propreté. Source de fascination et d’inspiration, elle peut aussi susciter l’angoisse et la peur lorsqu’elle se fait menaçante, rare, polluée ou trop abondante.
Ces divers aspects en font un symbole universel de pureté et de vie renouvelée, associé à des pratiques religieuses et à des rites de purification, d’ablutions, etc. Le symbole est également porteur du caractère ambivalent de l’eau : dans le baptême chrétien, l’eau est à la fois symbole de mort et de vie.
La conférence débat permettra d’entendre un point de vue juif, chrétien et musulman, sur la symbolique de l’eau dans chacune des trois religions monothéistes que l’on dit parfois du Livre. Quelle est le sens du symbole de l’eau, quelles sont les pratiques associée à cette dimension symbolique, en quoi sont-ils des signes de ce qui est au coeur de la foi qui les exprime, telles seront les questions abordées par les trois intervenants.